Nouvelle précision sur les moyens invocables devant le Juge pénal pour éviter une condamnation à démolir ou remettre en état.
Contrairement à une idée reçue, le prononcé d’une mesure de démolition ou de mise en conformité des lieux ne s’impose pas au Juge, et encourt la cassation l’arrêt qui annonce qu’une telle décision est impérative à défaut de toute possibilité de régularisation (Crim. 19/10//2004 – Pourvoi n° 04-82.038).
En revanche, les Juges ne sont tenus ni de motiver ni leur décision, ni de répondre aux conclusions à l’encontre de la nécessité de la démolition (Crim. 15/10/1997 – Pourvoi n° 96-84.280, voir également Crim. 9 mars 2010, n° 09-84.735).
Cependant, la jurisprudence récente de la Cour de cassation retient que la proportionnalité de la mesure doit être tout de même prise en compte par le juge (Crim., 16 février 2016, n° 15-82.732 et Crim. 28 juin 2016, n° 15-84.968).
Ainsi, la mesure de remise en état par démolition d'une construction à usage d'habitation ne doit pas porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile (Crim. 31 janv. 2017 n° 16-82.945).
Pour résumer, le juge judiciaire doit se livrer à un contrôle de proportionnalité entre, d'un côté, les règles de droit de l'urbanisme et l'intérêt général et, de l'autre côté, les droits consacrés par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Néanmoins, la Chambre Criminelle vient d'apporter une limite non négligeable à l'invocation d'un tel moyen par les prévenus qui encourent une démolition ou une remise en état (Crim 16 janvier 2018 n° 17-81884) : la disproportion manifeste entre l'atteinte à la vie privée et familiale et au domicile par rapport aux impératifs d'intérêt général des législations urbanistique et environnementale qui résulterait de la démolition, ne saurait être utilement invoquée quand la construction litigieuse est située en zone inondable avec fort aléa.
- Attention : depuis la modification de l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme par la « Loi MACRON » :
1°) Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et si la construction est située dans l'une zones bénéficiant d’une protection particulière : Loi Littoral, Loi Montagne, parcs nationaux, réserves naturelles, sites inscrits ou classés, sites Natura 2000, zones de plans de prévention des risques, servitudes d'installations classées pour la protection de l'environnement, ou autour de terrains pollués ou de sites de stockage de déchets, AVAP, périmètre de protection des monuments historiques, secteurs paysagers délimités par un PLU, secteurs sauvegardés…
2°) L'action en démolition doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ;
3°) Le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard deux ans après l'achèvement des travaux.
NB: pour tordre le coup à une autre idée reçue, la "LOI MACRON" ne protège absolument pas les réalisations sans autorisations ou ne respectant pas l'autorisation obtenue ...
F. SUSINI.